24. Le coeur de Loup (extrait)
Article écrit le | 20 décembre 2009 | Pas encore de commentaire
Maman,
Je te parle à la faveur d’un magnifique printemps,
Sans savoir si tu m’entends ou non,
Pour tenter de te dire ce qui ne peut pas être dit.
Car comment dire l’abandon d’un enfant par sa mère ?
Et l’abandon de sa mère par sa mère
Et de la poésie par les hommes
Et des hommes par les hommes
Et les hommes par les Dieux
Et les dieux par la joie ?
Et la joie mise en cendre
Trame d’hiver
Effroyable anéantissement !
Maman,
Depuis toujours,
l’orage gronde dans nos vies,
La mienne qui commence
La tienne qui se termine.
Moi qui croyais être liée par mon sang au sang de mes ancêtres
je découvre que je suis liée par mes promesses
Aux promesses que vous vous êtes faites.
Et que vous avez tenues.
Vie sauvée, vie perdue, vie donnée.
Lorsque je serai en proie au tourment,
Je me répéterai vos noms comme un talisman contre le malheur.
Odette, Hélène, Léonie, Ludivine, Sarah, Luce, Aimée, Loup
Comme une promesse tenue à jamais.
Et que je répète à mon tour
A celle qui viendra après moi
Pas encore née
Mais qui se souvient déjà de mon visage
Je ne t’abandonnerai jamais.
Je ne t’abandonnerai jamais.
Je ne t’abandonnerai jamais.
Fleurs.
Fin.
Forêts, Wajdi Mouawad, Actes Sud – Papiers, 2009
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