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Philoctète – Jean-Pierre Siméon/Christian Schiaretti

Article écrit le | 16 janvier 2010 | Pas encore de commentaire

Union magique du lyrisme poétique et de la tragédie grecque. Un beau spectacle sobre et inspiré, mené par un Terzieff exemplaire.

La salle reste éclairée. Nous sommes sur l’Ile. Qui sommes nous : des caillasses, des insectes, de faméliques arbustes ou des grecs belliqueux venus récupérer l’arc d’Héraclès ? Mais une chose est sûre : nous sommes complices. Complices et témoins silencieux d’une souffrance, de trahisons, de mensonges, de sincérité aussi. C’est là la force de l’œuvre. On ne sait jamais et jusqu’à quel point qui ment, qui est sincère. La raison s’oppose aux sentiments. Une lutte sans merci s’installe sur le plateau. Tous les coups sont permis. C’est Héraclès, Deus ex machina, qui devra intervenir finalement. Eclairer les mortels sur les intentions des Dieux. Leur montrer leurs destins. Ils obéiront. Nous serons libérés, spectateurs enfin dans le noir salle. Rendus à leur état, apaisés.
Philoctète est une très belle réussite. Le texte de Siméon est poétique. Il est lyrique. J’aime le lyrisme. Mais n’en fait pas trop. La langue est belle, émouvante. Philoctète interpelle Néoptolème en l’appelant « fils ». Ulysse, lui, l’appelle « garçon ». Il est ce petit qui va devoir grandir sans père (Achille est mort à Troie). Il est celui qui, pour gagner son statut de héros, d’homme doit vaincre Troie. C’est pour ça qu’il est là auprès de Philoctète, vieillard puant. Homme sage et brisé. Homme dont il a tout à apprendre. Philoctète, lui, attend de Néoptolème la délivrance. Un salut légitime. Ils s’embrassent, s’enlacent, se rejettent, se maudissent. Ils dépendent l’un de l’autre. Une malédiction instrumentée par ce fourbe d’Ulysse.
La mise en scène est sobre, orchestrée, chorégraphiée presque. Les polyphonies minimales du chœur sont très belles. La parole circule, se double pour une phrase, quelques mots. Unité et sobriété des costumes jusqu’au détail (ceintures, chaussures) en adéquation avec le décor. Armes et boucliers se montrent, s’exhibent, attributs guerriers, virils, animals. Il y a quelque chose de sensuel dans cet univers exclusivement masculin.
Un seul bémol : l’acteur qui interprète le rôle de Néoptolème. Je le trouve nettement en dessous des autres. Peut-être était-il en petite forme ce soir-là. Mais une chose m’a frappée : son relâchement du corps. Il est sur scène corps absent. Pour moi un comédien doit être parcouru par une ligne de force qui le maintient vertical. Une droiture qui le plante dans la terre, de laquelle il tire sa force, sa justesse. David Mambouch n’avait jamais cette exigence. Il essayait de tout faire passer par la voix. Il surjouait les émotions, contrariait sans arrêt le sens, le phrasé du texte. Dommage.
Laurent Terzieff quant à lui est magnifique. Quel comédien ! Je suis en admiration devant son talent. Tout ce qu’il fait à l’air si simple. Il dit le texte, module, déclame, murmure, crie et toujours à bon escient. Laurent Terzieff est en jeu de la tête au pied. Fragile volée de bois mort. Et malgré son âge il est encore capable pendant deux heureux de ne pas lâcher. Il est Philoctète voix, corps, cœur présent. Si simplement. Mon copain Sébastien me disait en sortant : « Terzieff il m’a fait penser à ma grand-mère quand on a voulu la mettre en maison de retraite ». Il pensait à tous ces moments où Philoctète filou demande qu’on le plaigne, supplie puis repousse. C’est que Philoctète n’est pas un héros mais juste un humain qui vieillit et souffre. Et Terzieff est cet humain, parfaitement.
Nous avons vu Philoctète au théâtre de Sceaux : Les Gémeaux. C’est une belle salle, très chaleureuse.. J’ai beaucoup aimé y voir du théâtre. J’essaierai d’y retourner. Le restaurant du théâtre est aussi un endroit très agréable. Et en plus ils ont des affiches noir et blanc de leurs spectacles, format géant, de toutes beautés.

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